11.08.22Sur la liberté individuelle
De mes dernières lectures, voici un petit extrait qui devrait plaire aux nomades modernes.
« J’ai toujours eu la passion de la liberté individuelle. C’est une passion que le métier d’écrivain m’a permi de satisfaire. Un écrivain est son propre maître et travaille oú et quand il lui plaît, et il est rétribué par une entité absolument impersonnelle, le public, avec lequel il ne lui est nullement nécessaire d’avoir le moindre contact direct.
Professionnellement libre, j’ai pris grand soin de ne pas m’encombrer de ces chaînes qui attachent à un coin de terre particulier. Je ne possède rien, à part quelques livres et l’automobile qui me permet de passer d’un campement à l’autre.
Il est délicieux d’être libre quand on a suffisamment à faire et à penser pour éviter de jamais s’ennuyer, quand le travail qu'on fait est agréable et semble (douce illusion !) de quelque utilité ; quand on a la vision nette de ce qu’on désire accomplir et la force d'esprit suffisante pour ne jamais trop dévier du but poursuivi. Il est délicieux d’être libre. Mais parfois, je dois l’avouer, il m'arrive de regretter les chaînes dont je ne me suis pas chargé. L’envie me prend alors d'une maison pleine d'affaires, d’un coin de terre oú pousseraient des choses. Je sens que j’aimerais connaître intimement un petit pays, et ses habitants, que j’aimerais les avoir connus depuis des années, toute ma vie. Mais on ne saurais être à la fois deux choses incompatibles. Qui désire la Liberté doit sacrifier les douceurs de l'esclavage. Ce n’est, hélas ! que trop évident. »
Aldous Huxley, Tour du monde d'un sceptique (1926).